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Droit de l'environnement - ICPE - Sur qui pèse l'obligation de remise en état d'un site pollué ?

La remise en état d'un site pollué génère souvent des coûts considérables.

Il est donc primordial de pouvoir déterminer sur qui pèse cette charge financière.

Le régime de l'obligation administrative de remise en état des terrains ayant accueilli des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) s'est construit par strates normatives successives à partir de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement.

Les procédures de la remise en état impliquent plusieurs acteurs : l'exploitant, l'inspection des installations classées, le préfet, le maire de la commune d'implantation (ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme), le propriétaire du terrain d'assiette de l'ICPE (s'il n'est pas le dernier exploitant) et le cas échéant, les aménageurs de la friche et leurs partenaires financiers.

Opérant un changement de paradigme de la responsabilité, la loi ALUR autorise un " tiers demandeur " à se substituer au dernier exploitant pour réaliser tout ou partie des travaux de remise en état.

En tout état de cause, il apparaît que l'obligation de remise en état pose depuis des décennies des difficultés s'agissant d'identifier le débiteur de l'obligation administrative de remise en état.

Le dernier exploitant de l'installation demeure assurément le débiteur de premier rang de l'obligation remise en état.

Néanmoins, l'Administration ne pouvait, très souvent, que constater la défaillance des derniers exploitants en titre. Aussi, notamment dans un souci de protection des deniers publics, les préfets ont alors tenté de se retourner contre les propriétaires des terrains d'emprise des installations classées.

La jurisprudence du Conseil d'État a interdit une telle mise en cause du propriétaire en lieu et place de l'ancien exploitant insolvable (CE, 21 février 1997, n°160250, SCI Les Peupliers).

La Haute Juridiction a ainsi jugé avec constance que la charge financière des mesures à prendre au titre de la remise en état d'un site ne peut être légalement imposée au détenteur d'un bien qui n'a pas la qualité d'exploitant, d'ayant droit de l'exploitant ou qui ne s'est pas substitué à lui en qualité d'exploitant (CE, ass., 8 juillet 2005, n°247976, Société Alusuisse- Lonza france).

Cependant, au fil du temps, cette intransigeance semble s'assouplir.

La loi ALUR, comme vu ci-dessus, a introduit notamment le mécanisme de "tiers demandeur".

La procédure de tiers demandeur prévue par la loi ALUR du 24 mars 2014 et son décret d’application du 18 août 2015 permet de transférer à un tiers substitué la responsabilité de la remise en état d’un site. Ce transfert de responsabilité est opposable aux tiers et à l’Administration.

Mais cela n'est pas tout.

La juridiction suprême de l'ordre administratif est elle aussi venue faire évoluer cette question par une décision remarquée.

En effet, par un arrêt du 29 juin 2018, le Conseil d’Etat identifie le propriétaire comme débiteur de l’obligation administrative de remise en état au titre de la législation relative aux installations classées sur le seul fondement de son acte d’acquisition du terrain.

Jusqu'à cet arrêt, la jurisprudence considérait en effet que l’obligation de procéder à la remise en état d’un site pollué par une installation classée pesait sur le dernier exploitant ou son ayant droit et cela sans que les contrats de droit privé ne puissent permettre de transférer l’obligation elle-même.

Cependant, force est de constater que le Conseil d’Etat retient dans son arrêt du 29 juin 2018 :

« Considérant qu’en vertu des dispositions de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement, reprises aux articles L. 511-1 et suivants du code de l’environnement, dans leur rédaction alors en vigueur, l’obligation de remise en état du site prescrite par les articles R. 512-39-1 et suivants du même code pèse sur le dernier exploitant ou son ayant droit ; que le propriétaire du terrain d’assiette de l’exploitation n’est pas, en cette seule qualité, débiteur de cette obligation ; qu’il n’en va autrement que si l’acte par lequel le propriétaire a acquis le terrain d’assiette a eu pour effet, eu égard à son objet et sa portée, en lui transférant l’ensemble des biens et droits se rapportant à l’exploitation concernée, de le substituer, même sans autorisation préfectorale, à l’exploitant ».

La juridiction administrative rappelle ici le principe selon lequel le propriétaire foncier n’est pas, en cette seule qualité, débiteur de l’obligation administrative de remise en état.

Il s'agit là d'une jurisprudence constante.

Cependant, elle vient ensuite préciser que celui-ci pourrait néanmoins être recherché au titre de cette obligation si l’acte par lequel il a acquis le terrain a eu pour effet de le substituer à l’ancien exploitant, et ce même sans autorisation préfectorale.

Il s’agit là de l’apport essentiel de cet arrêt qui admet l’exception selon laquelle la substitution dans la qualité d’exploitant, avec les obligations en découlant, serait susceptible de s’opérer par le seul biais d’un acte de droit privé.

Auparavant une telle substitution n’était envisagée que dans le cadre d’une procédure de changement d’exploitant nécessitant la délivrance d’une autorisation préfectorale.

La question se pose désormais de savoir comment seront interprétés les actes opérant un transfert de la propriété du site.

Ce qui est certain est qu'il ne suffit pas que le contrat concerne le terrain d’assiette de l’installation classée pour que l’acquéreur soit considéré comme le débiteur de l’obligation de remise en état.

L’acte doit en effet porter sur le site en lui-même avec « l’ensemble des biens et droits se rapportant à l’exploitation concernée » et être constitutif d’une véritable substitution.

Nul doute que cette formulation particulièrement large et générale devra être précisée.

La conclusion des actes opérant un transfert de propriété d’un site pollué doit donc être envisagée sous le signe de la vigilance.

Seule une rédaction précise des clauses de garantie de passif environnemental peut protéger l’acquéreur ne souhaitant pas se voir transmettre la qualité d’exploitant avec l’obligation de remise en état qui y est attachée.

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